Septembre

Le plaisir de septembre où tout, tout, tout redevient possible. Pour le prof, la possibilité de faire autrement. Pour les forts de la classe, la joie de rencontrer de nouveaux défis et pour les faibles, le souhait d’une relation avec l’enseignant qui saura lui apporter le changement dont il a tant besoin…

La relation, c’est parfois le plan « A », mais c’est trop souvent le plan « B ». Les premières journées y sont normalement dédiées, et par la suite, oublié par l’enseignant qui s’enchevêtre dans la matière à passer. Puis quand ça commence à aller « mal », on cherche des solutions… Toutefois il y a principalement 2 causes principales pour lesquelles ça commencerait à « aller mal » :
1) Les règles sont trop nombreuses, imprécises, ou pires encore, pilotées de manière inconstante.
2) Les élèves ont de la misère à apprendre et régressent/stagnent là où ils sont dans leurs apprentissages rappelés par des notes, générant maintes réactions qui détruisent le climat de la classe.

Si les trucs clairs et le pilotage sont importants, ils sont toutefois nettement insuffisants. Insuffisant puisque l’apprenant réagit la plupart du temps, de différentes manières et à différents moments, à sa quête frustrante du succès. S’il ne l’a pas en lecture, il l’aura en dérangeant la classe, ou en faisant fâcher un pair ou pour les plus braves; le prof. La source de ceux qui s’engagent de même que ceux qui se désengagent est donc la même : soit la quête du succès, là où ils peuvent la trouver. Donc, traiter le climat de la classe par la réussite académique, c’est le sujet de cet article!

À l’inverse, si on « travaille » avec des systèmes d’émulations, des trucs « pinterest » saupoudrés, et des discussions à n’en plus finir dans le corridor, les frustrés qui n’atteignent pas leur progression continueront de baigner dans leurs insatisfactions avec les répercussions perpétuelles que l’on connaît tous…

J’ai donc souhaité faire un billet afin de satisfaire leur quête de succès et ainsi, atteindre la conséquence d’un climat de classe stimulant et des relations beaucoup plus enrichissantes. Si vous cherchez le maximum d’effet, déployer les stratégies dans l’ordre que je vous les propose ici:

1) Désaturez l’horloge de vos interventions en grand groupe.

Plus vous serez clairs et concis, plus de compréhension sera générée chez plus d’élèves. Moins longue sera l’attention que vous exigerez de vos jeunes et par le fait même, moins de « turbulence » apparaîtra. L’enseignement explicite devient ainsi un incontournable, car c’est une méthode qui élague les pertes de temps et les confusions. L’approche par induction ou par découverte sont à être utilisée, mais APRÈS que la majorité des élèves maîtrisent les concepts ou les compétences. Les profs qui sont habiles à questionner la classe et maintiennent une découverte guidée brouillent par le fait même la clarté du sujet traité pour les moyens faibles et les faibles de la classe. Un enseignement rigoureux, exempt de distractions sera profitable pour tous les élèves de la classe. En réduisant vos interventions en grand groupe, vous favoriserez l’acquisition claire de ce que vous souhaitez enseigner, et les élèves passeront plus de temps, en votre présence, à se pratiquer pour voir ce qu’ils comprennent et ce qu’ils comprennent moins.

2) Ne vous assoyez pas à votre pupitre après une mise à la tâche.

Steve Bissonnette mentionne de « marcher » sa classe, comme un fermier qui marche son champ. Couper les questions ouvertes pendant les explications, mais aller les recueillir après pour une discussion de groupe subséquente. Car les questions ouvertes pendant une « explication » génèrent des distractions, et souvent, amènent une perte de l’attention de la majorité du groupe. À chaque fois que vous allez devoir ramener l’attention, vous remarquerez que vous « perdez » 2-3 élèves de plus à chaque fois. Ces questions méritent d’être adressées, individuellement ou en grand groupe, mais pas au détriment de l’acquisition de la notion que vous souhaitiez faire apprendre à ce moment-là.
Marcher sa classe, c’est aussi être proactif et aller s’assurer, dans les minutes qui suivent le début d’une tâche, que les plus faibles démarrent bien la tâche. Vous avez normalement une fenêtre d’environ 3-5 minutes avant que les moyens forts ou les forts aient des questions, alors profitez de ce moment pour supporter un démarrage en bonne et due forme de ceux qui en ont le plus de besoins.

3) Les évaluations formatives ont un puissant effet sur tout dans une classe, si on continue d’intervenir après.

Les évaluations formatives sont une manière de montrer à vos élèves que l’erreur est acceptée et mesurée. Mesurée pour savoir sur quoi ils devront travailler par la suite, dans une optique d’amélioration. Aussi, une fois le formatif passé, les élèves pourront contribuer à la réussite de leurs pairs, le tout basé sur cette mesure « non dangereuse », car elle ne « compte pas ».
L’évaluation formative va aussi de beaucoup aider l’enseignant à savoir si ce qu’il a proposé en amont (enseignement explicite, marcher la classe, drill…) a su être payant, et payant pour quels élèves (moyens faibles, les forts, les faibles…). Et ainsi, ajuster sa pédagogie pour être encore plus efficace.

Maintenant, il y a 2 progressions mathématiquement calculables. Une est plus compliquée, soit celle qui mesure la différence entre la note de l’étape antérieure et celle que l’élève vient d’avoir. On pourrait aussi mesurer l’écart entre un test diagnostique et ce formatif. Ça demande un outil de calcul assez puissant pour le faire pour tous.

La seconde progression beaucoup plus simple et accessible consiste simplement à travailler sur le manque à gagner. Ainsi, si Philippe a 70% dans un formatif, il lui « manque » 30% des connaissances ou compétence à acquérir. De là, on peut travailler rapidement. Alors on travaille sur la reconnaissance des acquis du 70%, et sur ce que les autres pourront partager pour contribuer à ce mouvement vers le haut de son 70 vers… Lui aussi peut aider d’autres, et c’est toute la beauté du temps suivant un formatif. Sans formatif, la contribution est plutôt difficile, car les jeunes ne savent pas qui peut les aider et qui ils peuvent aider. Si on le fait après une évaluation qui « compte », alors l’engagement est loin d’être généralisé, car l’élève sait « qu’il ne peut plus vraiment changer son sort ».

Maintenant, beaucoup de méthodes utilisent des « exercices supplémentaires, complémentaires, devoirs ou même des « pour aller plus loin » ». On a donc déjà tout le matériel nécessaire pour utiliser ces documents en lien avec notre matériel et ainsi, les utiliser à des fins de formatif.

4) Mettre l’emphase sur la verbalisation des pratiques qui ont mené à une progression décuple le pouvoir d’engagement.

Quand un élève qui vient de progresser dit aux autres ce qu’il vient de faire, les autres écoutent x 1000 et utilisent, ou cherchent à peaufiner leur déploiement de cette « nouvelle stratégie » de classe (métacognition + discussion de classe)… Les « faibles » ont un plus grand potentiel de fluctuation, ce qui les amène parfois à être ceux qui ont le plus progressé… Un « faible » qui dit qu’il vient de faire telle ou telle stratégie et que ça lui a été très payant, et que c’est lui qui parle devant la classe, a un effet incroyable sur le déploiement de cette même stratégie sur toute la classe incluant les forts qui peut-être étaient portés à devenir « des génies paresseux ». Tout ça à cause de l’emphase mise sur la fluctuation, la progression!

Et en fin de compte, l’apprentissage de cette « nouvelle notion » provient directement de votre capacité à avoir été clair, concis et explicite, lors de l’enseignement de cette stratégie en question. Si elle est floue ou diluée dans un enseignement imprécis, peu l’utiliseront, et peu fluctueront… Si vous ne faites pas de formatifs, ils ne le sauront pas s’ils ont appris ou pas, et ce qui leur restent à apprendre. Et si vous n’avez pas salué, donné du temps pour qu’ils s’échangent LEURS bonnes pratiques après un formatif, ils ne sauront jamais trop comment s’améliorer… ou sinon, ils croiront que l’amélioration relève plus de la chance que d’un travail conscient. Exactement ce qui brimera notre relation avec eux, et par conséquent, notre plaisir d’enseigner…

5) Montrons-leur ce qu’ils savent, et complétons le tout avec des notions…

Dans l’espace qui reste après un formatif et avant une évaluation plus formelle, il existe un espace où on peut surpasser la matière et réaliser des voltiges impressionnantes. En fait, il y a beaucoup de choses qu’ils ne savent pas et c’est ici que réside le pouvoir de l’inspiration qu’un prof peut produire sur une classe entière :

• Ils ne savent pas qu’ils en connaissent plus qu’un autre,
• ils ne savent pas que 65%, veut dire que tu en sais plus que ce que tu ne connais pas,
• ils ne savent pas que deux élèves ayant la même note ne connaissent pas nécessairement les mêmes choses ils peuvent donc chercher à voir la similitude et les différences entre eux, sans se menacer mutuellement,
• ils ne savent pas qu’ils peuvent contribuer directement à la réussite d’un autre :
o soit directement
o soit en aidant l’aidant à clarifier les compétences qu’il sait faire de par sa verbalisation de ces compétences,
• ils ne savent pas qu’il n’y a pas juste les maths et le français,
• ils ne sont pas convaincus qu’une note peut bouger vers le haut
• ils ne savent pas qu’ils se trompent en aimant une matière, en fait, ce qu’ils découvrent qu’ils aiment, c’est les plaisirs de l’apprentissage incarné par cette matière,
• ils ne savent pas que même si vous êtes durs avec eux parfois, que c’est pour leur mieux, à ce moment-là et
• ils ne savent pas que si les autres parfois les rejettent, que c’est à cause de leurs comportements passés, et ils ne savent définitivement pas toujours comment se sortir de ces méandres…

Alors lorsqu’ils vous regardent, ce n’est pas d’un prof qui veut leur inculquer le tableau de numération ou l’accord du participe passé qu’ils ont le plus de besoins. Pourtant, ils ne savent pas non plus ce que pourrait être la classe autrement, et c’est exactement là que réside le point de pivot, dans cet espace non dangereux où l’amplification à coup de contribution permet de se hisser plus haut!

• Apprenez-leur ce qu’ils savent avec ce 65% qu’ils ont.
• Montrez-leur que leur faiblesse peut aider un moyen fort à clarifier ses conceptions de la notion x ou y.
• Montrez aux forts qu’ils peuvent se dépasser en inventant des exercices pour automatiser certains apprentissages (drill) chez les autres au lieu de les isoler encore plus avec des tâches « plus difficiles » ou des défis « à leur niveau ».
• Montrez-leur que les notes peuvent bouger vers le haut, et amener l’emphase sur le plaisir qui en découle.
• Supporter des discussions de classe sur ce qu’un tel (peu importe sa note de départ) a fait pour la monter dans tel ou tel formatif.
• Laissez-leur la place de faire des erreurs sans danger, les formatifs sont de beaucoup, un puissant allié dans ce département de la guerre à l’immobilisme.
• Montrez-leur que si vous avez été dur ou compréhensif, que ce comportement qui peut être jugé comme un bris de relation par l’élève est en fait, exactement ce qu’il avait de besoin à ce moment.
• Montrez-leur à travers un conseil de coopération que les pairs sont toujours là pour supporter, trouver des idées, afin de supporter le comportement de tous, plutôt que de vous positionner en préfet de police.

Les élèves savent beaucoup plus qu’on ne le pense. Là réside un salut aux promesses d’avenir assez insoupçonné.

Bref, quand on s’équipe avec des outils pour attaquer fréquemment, et directement la réussite plutôt que de chercher des activités divertissantes, on fait beaucoup plus de bien à nos élèves. Et lorsqu’ils réussissent mieux, et qu’ils sont intéressés à progresser, les systèmes d’émulations et les systèmes de contrôle de comportement disparaissent comme neige au soleil, ils sont désuets et plus nécessaires. Puis une aspiration vers le haut s’installe, du lundi au vendredi et le temps s’accélère ce qui dégage du temps pour souffler et faire quelques pièces de théâtre ou autres choses qui font vivre ces jeunes. Enfin, le couple de la contribution/réussite en est un où ils apprennent réellement à vivre ensemble, à unir leurs forces et n’est-ce pas là le plus beau leg qu’on puisse sincèrement leur faire?

Sur ce, bonne rentrée!