Les dictées
Pour autant que la classe et l’apprentissage du vocabulaire existeront, nous avons besoin d’exercices de transferts, oscillant entre l’apprentissage et l’application en contexte réel. Bien que les nouveaux courants pédagogiques nous entrainent vers “des situations en contexte réel constantes”, dans la réalité, on a encore besoin d’exercices préliminaires. Toutefois, à réfléchir, j’en suis arrivé que bien que les dictées dans la classe aient été hebdomadaires, en contexte d’écriture, le vocabulaire reste pauvre et absent souvent de ces nouveaux mots “étudiés”, pour les élèves de la 6e année que je côtoie.
Bilan de la première étape de mes élèves en écriture : moyenne 69, avec 9 échecs (sur 24 élèves)… Faut appliquer de nouvelles approches, les méthodes traditionnelles ne paient pas…
Pour qu’il y ait apprentissage, on pourrait se baser sur la recherche. Einstein disait que si vous ne pouviez expliquer un concept à un enfant de 5 ans, c’est que vous ne comprenez pas complètement… J’ai donc fait mon p’tit dessin qui explique la chose… Selon moi, pour qu’il y ait un apprentissage, encore faut-il qu’il y ait une répétition entre des processus d’acquisition (rétention) d’apprentissage, et des processus de rappel. Qui n’a pas déjà étudié pour un examen de manière très disciplinée, où on a “entré” dans notre mémoire tout plein de dates et de nom, et arrivé lors de l’évaluation, sans arriver à se souvenir de quoi que ce soit… À l’inverse, qui n’a pas étudié avec de multiples de “compréhension” et se faire avoir avec des questions plus spécifiques et pointues. Bref, pour qu’un concept ou une notion soit retenu, les études nous parlent de l’importance de parcourir 7 fois ces deux éléments (+/- 2). Ainsi, un bon prof arriverait à enchainer 7 cycles sur une même notion pour espérer une rétention plus durable… 7 fois, plus ou moins 2, c’est énorme… Il doit bien y avoir un moyen pour bonifier, rendre plus efficace le tout…
Graphique 1 : Acquisition d’un élément.
Pour qu’une notion soit jugée importante pour le cerveau (et qu’elle reste ancrée de manière plus durablement), il faut qu’il y ait quelques ingrédients supplémentaires, soit la signifiance (que l’élément appris serve concrètement à l’apprenant), la fierté (jugement de l’élève à pouvoir atteindre un certain succès), et j’ajouterais pour la motivation, le simple plaisir (quand on apprend en s’amusant, on est porté à être plus persévérant devant les difficultés). Ainsi, dans le graphique 1, on y voit ma conception d’une tâche complète…
Maintenant, si j’étudie un peu comment se déroulaient les dictées normales, on peut voir dans le graphique 2 que j’avais peu de courbes dans la partie verte, ce qui amenait nécessairement le constat déplorable que mes élèves ne retenait et n’utilisait que très peu le nouveau vocabulaire dans de nouvelles productions écrites… En fait, bien que pour MA conscience, je donnais ces exercices à faire en classe, il m’est aussi nécessaire de conclure que pour LEUR réalité, ça ne donnait pas grand-chose… Puis je me suis dit que lorsqu’ils font la dictée, ils ne la “voient” pas bien écrite, du moins, pas tant qu’ils ne se corrigent… Devait bien y avoir une manière de leur faire retenir des bouts de phrases bien écrites de manière plus agréable… La moyenne de la classe des dictées restait équivalente aux productions écrites, donc, ça ne donne pas grand-chose…
Graphique 2 : La dictée normale
Quand vient le temps de proposer une nouvelle activité, je me demande toujours comment ce pourrait être “plus l’fun” en premier… Ensuite je cherche dans le programme du ministère, tout plein de mots compliqués pour supporter ces changements… Bref, je me suis aussi demandé comment je pouvais plus les faire bouger en classe, car mon BAC en enseignement de l’éducation physique est toujours bien présent en ma mémoire… Et là, j’ai pensé faire la dictée au Gym!!!
La dictée folle :
J’ai écrit 2 dictées avec le sensiblement le même nombre de mots. Ainsi, au hasard, les élèves étaient jumelés en dyade, composée l’élève A et l’élève B. Chacun de chaque côté du gymnase (sur la largeur), le A devait lire une partie, traverser, régurgité ledit passage au B qui l’écrivait à l’endos de sa feuille. Pendant ce temps, A retourne de son côté. B lit une partie de sa dictée, traverse, et va la dicter à son partenaire… Et ainsi de suite jusqu’à ce que la fin arrive. Le tout se déroule sur la largeur du gymnase en étant face à face avec leur partenaire… Donc pas grande distraction lors de la traversée de la pièce.
Image 1: La dictée folle 1
Le bilan: beaucoup d’excitation, de plaisir, les notes qui ont monté de 8% par rapport à une dictée normale en classe et un investissement de temps d’environ 16 minutes pour une dictée de 55 mots. Ils sont revenus essoufflés dans la classe pour pratiquer leurs stratégies de correction et après la récréation, ce fut la correction (A corrigeant B et ainsi de suite). 8%, c’est un beau progrès, mais ce n’est pas suffisant à mon sens…
Graphique 3: La dictée folle.
La dictée folle 2
Au début de la semaine suivante, je leur propose une petite production écrite et toujours pas l’apparition des mots de la dernière dictée dans la production écrite. Fait à noter, je ne mentionne pas à mes élèves que je souhaite avoir un enrichissement dans la nouvelle production écrite, je tente de manoeuvrer avec les dictées afin que le tout se passe “naturellement”… L’avoir demandé, surement que plein de mots seraient apparus, mais surement que pour me faire plaisir ou parce que c’était dans “la tâche” et non par motivation intrinsèque… En regardant mon petit graphique, je réalise que je ne propose pas de tâche dans la partie “active” de mon tableau et je me questionne… En écoutant quelques profs qui font produire des phrases aux élèves avec les mots de dictée, je l’ajoute à l’équation… De plus, la dictée devient celle des élèves où je prends 8 phrases provenant directement de l’encre de mes jeunes. Rendu au gymnase, j’ajoute quelques difficultés physiques afin de rendre leur attention plus aiguisée. On fait le tout sur la longueur, je mélange les équipes “pour qu’ils se croisent lorsqu’ils traverseront le gymnase” et j’ajoute les “fautes” lors de la traversée. Les fautes étant simplement moi qui lance des ballons éponges sur les messagers (ceux qui traversent). Si le ballon les touchait alors, ils devaient retourner au point de départ et retraverser. J’avais ainsi espoir de les distraire, mais ça n’a pas fonctionné, ils arrivaient facilement à retenir le bout de phrase qu’ils avaient en tête…
Bilan de la dictée folle 2 :
Moyenne de la dictée : 83%, 2 échecs (sur les “fesses”) et mes deux gars qui ont normalement 30% ont eu respectivement 86 et 93%! Quelle fierté pour eux! Maintenant, comment expliquer l’évolution en aussi peu de temps (3 semaines)? Les élèves étaient très fébriles à l’idée de la dictée. Ils avaient très hâte. Les phrases provenant de leurs propres phrases le rendaient bien fier, j’avais 8 élèves qui avaient le sourire grand ouvert lorsqu’ils ont pris connaissance de la dictée, car ils voyaient leur nom au bout des phrases prises à même leurs devoirs. Le plaisir, l’engouement, et la reconnaissance ont fait que les résultats ont monté de 14% en rapport à des dictées normales… Maintenant, je vais regarder sous peu ce qui advient des productions écrites!!! Je suis satisfait de l’évolution, mais je vais poursuivre à chercher d’autres ajouts… Auriez-vous des idées??? Il me reste encore 2 élèves derrière (en échec), il me faut trouver comment les récupérer eux aussi!
Je vais poursuivre mes interventions au niveau de faire perdurer dans le temps les “mêmes mots étudiés”, en repoussant au lundi, la correction plutôt que tout de suite après la dictée. Je vais aussi trouver de nouveaux exercices de transferts afin de proposer plus de situations dans la partie verte, sans pour autant être constamment en production écrite. Avec Pangéa, les élèves vont bientôt produire des billets, et des Wiki de manière hebdomadaire, mais ça, je vous reviendrai avec d’autres billets sur la chose!
Et vous, qu’avez-vous trouvé pour engager tous vos élèves dans l’amélioration de leurs écrits???
Bonjour Stéphane,
L’idée est géniale. Je suis très intéressée par l’apprentissage combinée à l’activité physique étant moi-même une adepte de sport!
Serait-il possible de filmer vos élèves lors de cette dictée? Je suis certaine que vous feriez fureur avec cette vidéo et cela nous aiderait à avoir une idée encore plus claire de votre activité géniale.
Bravo encore une fois!
MERCI!
Bonne idée Moly!
Toutefois, je viens de tomber en congé parental, je n’aurais donc pas la possibilité d’ici la fin juin.
Au plaisir
Bonjour,
Je testerai votre idée avec beaucoup de plaisir dès septembre.
Je suis certaine que mes grands ados adoreront l’idée !
Merci pour ce partage d’idée ! C’est génial !!
Merci!
Ne te base pas sur l’expérience de la première fois, car ce ne sera pas nécessairement agréable. Toutefois dès la seconde dictée, tout entre dans l’ordre :), tu verras!
Bravo ! J’avais déjà entendu parler de ces dictées. Merci de ce partage ! Vive les médias sociaux !
Bon congé parental.
Louise
Wow bravo pour cette idée originale. Quand on se centre sur l’apprenant et son processus d’apprentissage plutôt que le contenu (prétexte d’apprentissage) on doit être prêt à voir des petits miracles se produire. Vos élèves doivent ressentir votre motivation et engagement envers leur réussite!
C’est exactement pourquoi je veux devenir enseignant: Faire bouger les jeunes pour qu’ils apprennent. J’ai hâte d’essayer les dictées folles.
merci
Bonjour,
Je suis instituteur en Belgique francophone, mes élèves ont 11-12 ans. Même si notre programme (Socles de compétences) ne parle pas de dictées, beaucoup d’enseignants la pratiquent encore. Pour ma part, je ne fais plus de dictées préparées ou non en tant que telles. Tous les deux jours, je dicte une ou deux phrases d’un petit texte. De dictée en dictée, les enfants découvrent donc la suite de l’histoire.
Au terme de chaque dictée, comme c’est court +/- 20 mots, la correction est très appronfie : nature des mots, quels accords, quelles règles, fonctions et accords ente le sujet et le verbe. Des choses sont ainsi très souvent répétées, dites et redites.
Mon objectif est d’aider les élèves à percevoir qu’ils doivent faire des liens entre la grammaire, l’analyse, la conjugaison en situation d’écrit.
Votre démarche très dynamique m’attire mais je ne trouve pas comment la combiner avec ce que je fais. Auriez-vous des pistes à me proposer? Pouvez-vous me dire ce que vous faites lorsque vous corrigez la dictée avec vos élèves.
D’avance, je vous remercie.
Bien à vous.
Vincent Das
Arriver à passer du simple (dictées, analyses de phrases) au complexe (rappliquer ces stratégies en contexte d’écriture) est tout un défi. Toutefois la dictée folle a l’avantage d’amener beaucoup d’enthousiasme autour de cet exercice (dictée + autocorrection), et puisque les phrases sont inventées par les jeunes, il y a une fierté supplémentaire qui est non négligeable. Reste à arrimer ces compétences à l’écrit!
Wow! Super idée!
Je fais des dictées en dyade où, dans la première étape, les jeunes doivent d’abord écrire et corriger la dictée individuellement. À la deuxième étape, ils sont groupés par deux et ont accès à tout le matériel pour rédiger la dictée sans faute. Ils doivent alors se concerter et s’expliquer les règles pour savoir si un mot s’écrit d’une façon ou plutôt d’une autre. C’est un beau travail d’échange!
Mais je pense intégrer une partie de la dictée folle dans ma pratique. Une fois groupée, plutôt que de chercher l’information dans leur bureau, l’un d’entre eux devra courir chercher l’information dans un centre (verbes, homophones, dictionnaire, etc.) et revenir pour donner l’explication à son coéquipier! Bonne façon d’étudier les règles!
bonjour, je visite régulièrement votre site depuis une petite ville de Loire-Atlantique (France) où j’enseigne et j’ai adoré vos 13 trucs de gestion de classe; ça marche vraiment!!
Concernant les dictées folles, les phrases proposées par les élèves sont-elles corrigées par vos soins si elles sont intéressantes ou bien ne prenez-vous que les phrases qui ont été correctement écrites par les élèves? combien de mots en moyenne les élèves ont-ils à retenir lors de leur traversée?
merci de votre réponse et de votre travail!
Merci pour vos bons mots. Concernant les dictées folles, je ne prends que les phrases biens orthographiées et les phrases gagnent en longueur à mesure que l’année avance. Ils traversent en retenant les parties qu’ils veulent bien retenir, parfois, ils font 2 “traversées” pour une même phrase.
Au plaisir!
Stéphane